vendredi 1 octobre 2010

Débat sur les Salles d'Injection de drogue

 J'étais hier soir invitée du journal de Nantes 7 ce qui a été l'occasion pour moi de redire ma position sur l'idée lancé par la Ministre de la Santé Roselyne Bachelot, d'expérimenter des salles d'injection en France




Extrait du Journal de Nantes 7 du 30 septembre 2010


Il faut constater pour une fois que nous ne sommes pas face à un débat politique qui oppose droite et gauche. Il est évident que le sujet constituerait une petite révolution mais il est du rôle des élus de rechercher des réponses adaptés aux problèmes sociaux et sanitaires qui se posent en France, et la consommation de drogues est une question grave de santé publique. C'est pour cette raison que je suis favorable à une expérimentation des salles d'injection. Il ne s'agit pas de décider de les ouvrir de manière généralisée, ce qui serait à mon avis très prématuré, mais bien d'explorer une piste dans le souci permanent de protéger la santé, et de lutter contre l'usage des drogues. Il pourrait s'agir d'une expérimentation sur plusieurs mois d'une seule structure de ce type. Je rejoins sur ce point mon ami radical valoisien, Maire de Nancy et Président d'honneur du Parti Radical, André Rossinot, qui, dès le mois d'août, avait indiqué vouloir "créer un groupe de réflexion sur la question des salles de consommation de drogues".
Le rapport remis la semaine dernière par l'association Elus, Santé Publique et Territoire regroupant des élus de toutes tendances politiques, va dans ce sens et s'appuie sur les expériences suisse ou espagnole. Il a l'intérêt d'expliquer qu'il faut cesser de considérer les salles de shoot comme des zones de non-droit. Les autorités de police à Genève expliquent qu'il n'est pas du tout question de regarder sans intervenir, ni de faciliter les deals ou la consommation de drogue bien au contraire.

Ce qui me semble fondamental dans l'acceptation de cette hypothèse, c'est d'abord que ces salles seraient réservées aux usagers majeurs, mais surtout que l'objectif est seulement de réduire les risques auxquels s'exposent les toxicomanes et auxquels ils exposent la population avec leurs déchets, et de les accompagner dans un processus visant à sortir du cercle vicieux de l'usage de stupéfiants.

Il n'est en aucune façon question de dépénalisation. La consommation de drogue est un fléau de santé public qui doit rester pénalement sanctionné. Il faut être très ferme dans la sanction des consommateurs, parce que l'on connait les effets désastreux des drogues notamment sur la sécurité routière, encore plus dans celle des revendeurs et des réseaux de passage de drogues.

Je comprends les réticences des opposants à ces structures mais je suis convaincue de l'importance du dialogue. Il est parfois argué que si l'on dépénalise, les jeunes se diront pourquoi ne pas essayer. Au delà de la dépénalisation qui n'est absolument pas en jeu, il me semble très artificiel d'imaginer que des jeunes qui n'ont jamais consommé de drogues seraient tentés de se rendre dans un centre médicalisé, entourés de personnel médical et social et qui plus est, placé sous le contrôle des autorités policières pour essayer leur première consommation alors même que celle-ci resterait en France un délit pénal. En revanche les consommateurs qui sont d'ores-et-déjà dans l'engrenage n'arrêteront pas leur consommation sans aide. Partant de cette réalité il faut considérer le fait que les salles permettraient d'amener auprès d'un service médicalisé apte à les aider des consommateurs qui n'auraient pas forcément engagé une démarche de sevrage. Débat à suivre...

6 commentaires:

Philippe a dit…

Mme MERAND, je suis médecin sur l’agglomération nantaise et je vous félicite pour votre position sur ce débat. En effet le nombre de toxicomane est en augmentation depuis plusieurs années et notamment chez les jeunes ! Des structures encadrées peuvent aujourd’hui les protéger vis-à-vis des maladies et également leurs donner un porte de sortie ou une corde pour sortir du gouffre qu’est la drogue !

Louise a dit…

Bonsoir, je ne suis pas sur que c'est à l'Etat de se charger de donner des lieux de consommation !

Isabelle MERAND a dit…

Bonjour Madame,
Il ne s'agit pas que l'Etat donne des lieux de consommation. Il s'agit d'expérimenter un lieu pour encadrer l'usage des drogues dans un soucis de santé publique. Il relève des missions fondamentales de l'Etat de prendre des mesures sanitaires visant à préserver la santé de la population. Parce que l'usage de stupéfiants est un fléau pour les consommateurs mais il ne faut pas oublier que c'est aussi un danger pour l'ensemble de la population. Ne vaut il mieux pas encadrer l'usage des seringues dans un milieu médicalisé que de retrouver ces éléments sur la voie publique. C'est aussi une question de protection des enfants et de l'environnement.
Bonne journée
Isabelle M.

patrick a dit…

http://www.ouest-france.fr/2010/09/28/loire-atlantique/Salle-de-shoot-Isabelle-Merand-PR-approuve--59054150.html

Parents Contre la Drogue a dit…

Madame,
Vous êtes favorable à une expérimentation des salles d'injection. Cette expérimentation déjà engagée dans quelques pays (Allemagne, Australie, Canada (le gouvernement d’Ottawa veut fermer la salle d’injection, la Cour suprême du Canada doit rendre un jugement le 12 mai 2011), Espagne, Luxembourg, Norvège (depuis 2 ans le maire d’Oslo demande la fermeture de la salle d’injection), Pays-Bas et la Suisse) n’a absolument pas démontré son efficacité que ce soit en terme d’amélioration de la santé, de réduction des comportements à risque, des nuisances et des désordres publics ou de réduction des maladies infectieuses. D’autre part, le rapport 2009 de l’Organe international de Contrôle des Stupéfiants – OICS — préconise dans sa recommandation 32 (page 140) à l’intention des gouvernements, des organismes des Nations Unies et des autres organisations internationales et régionales compétentes de fermer les salles d’injection.

En envisageant de donner aux toxicomanes les moyens de pratiquer tranquillement et en toute impunité leurs pratiques illégales, dites-moi, Mme Mérand, à quoi servira encore la loi dans ce cas? Mme Mérand, si la drogue est interdite, c’est entre autre parce qu’elle est dangereuse. Votre proposition souffre d’incohérence : cela revient à franchir le parapet d’un pont et s’étonner de tomber. En clair, « c’est interdit, mais ce n’est pas grave ! Si vous le faites tout de même, on vous aidera ! » C’est bien là, la meilleure façon de décrédibiliser la puissance publique. On ferait mieux de multiplier les centres d’aide à la sortie de la toxicomanie qui manquent cruellement en France et les actions de prévention.

Ouvrir des salles d’injection, c’est dire clairement aux drogués que la société les encourage à consommer leurs substances illicites. On leur procure gratuitement le matériel, le lieu de consommation et pourquoi pas bientôt les produits comme en Suisse. Le message symbolique diffusé, sera perçu comme un signe d’encouragement à la consommation des drogues et un renoncement de l’État à lutter contre la toxicomanie. Reconnaître le droit de se shooter propre avec des produits provenant du trafic illicite avec assistance sanitaire en cas de problème, est-ce un progrès ou une régression en matière de Santé publique au moment où l’on tente d’agir sur la liberté de se mettre en danger avec des produits licites comme l’alcool et le tabac ? Je considère donc ce projet comme totalement inadapté aux problématiques rencontrés par les toxicomanes. Mais il y a plus grave : cette volonté démontre également une déresponsabilisation de quelques élus, une véritable capitulation devant des maux pour lesquels la puissance publique semble désarmée.

Mme Mérand, pensez-vous vraiment que le rôle d’un élu soit d'envisager d'encadrer la destruction de personnes avec des produits interdits par la loi ? Ce que vous proposez, c’est une grande fuite en avant vers un monde où « tout est possible pour les droits individuels » au détriment du droit collectif. Où voulez-vous que s’arrête cette fuite en avant que vous appelez « progrès » ? Pensez-vous que le rôle des élus soit de soutenir quelques activistes qui veulent imposer à toute la société et surtout sur le dos de la société un mode de vie anormal.

International Harm Reduction Day a dit…

Pour en savoir plus :

LIVRE : Société / Toxicomanie

Salles de shoot ?

Un regard engagé en faveur de l'expérimentation de structures d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues

Texte du volet

Les "salles de shoot" ou, terme moins sensationnel, les structures d'accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues, ont défrayé la chronique cet été 2010 jusqu'à ce que le Premier Ministre français déclare qu'elles n'étaient « ni utiles, ni souhaitables ». Pourtant, ces structures existent déjà au Canada, en Australie et dans six pays européens (Suisse, Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Norvège et Luxembourg) et les résultats des évaluations sont tous favorables tant pour la collectivité du point de vue de la lutte contre la toxicomanie et la délinquance que pour la santé publique et individuelle. En France, c'est le collectif du 19 mai, regroupant les associations ANITeA, Act up Paris, ASUD, SOS Hépatites IDF, Safe, Gaïa Paris, salledeconsommation.fr et SOS Drogue International qui travaille à la question de la mise en oeuvre de projets pilotes.
Le présent ouvrage est une aide à la réflexion pour une expérimentation de ce dispositif de réduction des risques.

http://www.slideshare.net/BertrandBobby/couverture-livre-salles-de-shoot